J’ai juste effleuré ses lèvres

Marcus Volk

Cela faisait 2 mois qu'il traînait sur le plan de travail. Je le voyais sans vouloir à nouveau l'ouvrir. Répondre à l'invitation ? Y aller ? C'est mon cousin qui sur un appel m'y a décidé. Aucun membre de la branche de famille ne venait. Je me devais d'y assister. La bonne blague. 


Et je me suis retrouvé après la cérémonie civile et religieuse à une table où l'on avait parqué les célibataires, les divorcés bref… la lie de ceux qui avaient échoué. Je le ressentais ainsi. 


Mes voisines de table, l'une était fraîchement séparée (et il me semblait l'avoir déjà rencontrée) l'autre célibataire endurcie… elles me connaissaient par ouï-dire… les ragots ont encore quelques succès dans les vieilles familles surannées. 


Une valse, puis le champagne aidant, et les vieilles biques, le sommeil arrivant, s'étant éclipsées nous avons continué à nous encanailler aux sons de bons vieux rock. 


J'étais sorti fumer dans ce parc aux chênes centenaires. Elle m'a rejoint. 

« Tu ne souviens pas de moi, n'est-ce pas » je n'ai rien répondu. 

« C'était en 1987… le mariage de ton cousin Michel… » 

oui… ce mariage là - son père avait fait venir de la Nouvelle Orléans un groupe de jazzmans qui nous a fait danser jusqu'au bout de la nuit - j'ai eu une permission exceptionnelle pour y assister. 

« Tu étais beau dans ton uniforme d'officier.. la demoiselle d'honneur que j'étais à cette époque a longtemps espéré que ce soit toi qui la déflore… »


J'ai laissé échapper un sourire. 

Je vais marcher. M'accompagnes-tu ? 

« Ton père est décédé j'ai appris »

oui

« Tu es l'aîné. Tu portes donc le titre »

je devrais. Mais je préfère de loin l'anonymat et les ombres


« c'est une écurie ?»

il me semble mais les occupants sont absents 

« Monsieur le Comte… baise-moi »


J'aurai pu répondre à sa demande. Hier. Demain. 


J'ai juste effleuré ses lèvres (non)


Cette nuit j'ai tout simplement refusé. Mes pensées sont ailleurs. Le pouvoir de dire non. 

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